Règlement interdisant les saveurs : des jeunes vapoteurs entre questionnements et indifférence

Le 31 octobre prochain, les dizaines d’arômes disponibles dans les produits de vapotage seront de l’histoire ancienne. « Tangerine, melon d’eau ou boisson gazeuse* » parmi celles populaires citées par les jeunes, seront interdites à la vente suite à l’entrée en vigueur du nouveau règlement de la Loi concernant la lutte contre le tabagisme. Visant à protéger les jeunes face au phénomène qui prend de l’ampleur depuis plusieurs années, comment cette mesure est-elle accueillie par les principaux concernés? Québec sans tabac est allé prendre le pouls des jeunes vapoteurs et ex-vapoteurs!

« Ça fait depuis qu’on est entrés au secondaire il y a 4 ans qu’on nous dit que les saveurs vont être interdites et il n’y avait jamais eu de changement! Alors même si maintenant c’est officiel, c’est difficile de réaliser. Pour l’instant ça me stresse pas, mais je sais pas comment ça va se passer » lance Romane, élève de secondaire 4 à l’école Robert-Gravel. Le témoignage de la jeune fille, qui vapote depuis le secondaire 1, n’est pas isolé. Heidi, élève de secondaire 4 également, rebondit sur ce point. « C’est beaucoup de questionnements mais ça me stresse pas tant non plus car ça fait des années qu’on l’entend et on a tous des ressources pour se procurer des produits même si on est mineurs. Mais c’est sûr que ça nous envoie le message qu’il serait peut-être temps de réduire ou d’arrêter! »

Du côté de Nausicaa, élève de secondaire 3, plus d’inquiétudes. « Quand il y a eu l’annonce ça m’a stressé car je me suis demandée ce qu’il y allait y avoir à la place. Avec mes amis on se demande comment ça va se passer. » La jeune fille essaye d’arrêter de vapoter depuis plusieurs mois. « Moi ça fait depuis que j’ai commencé à vaper que je regrette et que j’essaye d’arrêter pis j’ai jamais été capable. Ça me rassure qu’ils enlèvent les saveurs car moins de gens vont consommer autour de moi et j’ai l’impression que ça va m’aider à arrêter. » note la jeune fille, qui avait réussi à s’éloigner de la vapoteuse cet été avant d’être entraînée de nouveau par l’effet de groupe à la rentrée de septembre. « J’ai envie d’arrêter car j’ai pas envie d’être prise avec l’addiction quand il n’y aura plus les saveurs. Je n’ai pas envie de capoter parce que je sais pas où aller m’en procurer. »

S’il ne pense pas que ça modifiera sa consommation et qu’il « sait où s’en procurer s’il en veut », Antoine, élève de secondaire 5, est optimiste pour les prochaines générations. « Ça me rassure pour les générations futures. J’ai deux petits frères, ça va moins les inciter à vouloir commencer. Ça va réduire la consommation d’ici quelques années! Si ça goûte plus la cerise ou le kiwi, ça va moins donner envie aux gens qui vont rentrer au secondaire d’essayer. »



L’ensemble des jeunes interrogés notent que les saveurs constituent l’un des attraits principaux des produits de vapotage. « Il y a des goûts dont je ne pourrais pas me passer, pour moi les saveurs sont addictives, il y en a que j’ai vraiment le goût de fumer » confie Nausicaa.

Si elle confie que les saveurs l’ont attirées lorsqu’elle a commencé à vapoter, Romane est consciente que ce n’est plus seulement le cas. « Ce n’est plus seulement la saveur qui est addictive, c’est le geste. Des fois par exemple, lorsque je n’ai pas de vape et que je n’ai pas d’argent pour m’en acheter, je fais juste reproduire le geste sur un crayon. Ça se peut que l’interdiction des saveurs diminue ma consommation, mais je sais que ma dépendance à la nicotine ce n’est pas juste les saveurs. »

Même son de cloche du côté de Heidi, qui a remarqué une évolution dans le nombre de saveurs disponibles depuis quatre ans. « On sait tous pas ce que ça va être, on se demande comment ça va se passer… mais juste de consommer la vape, d’avoir le headrush, saveurs ou pas saveurs, les jeunes qui consomment vont vouloir aller rechercher ça et vont continuer à vaper. »

Ce constat, les intervenants scolaires le font également. Ces derniers appréhendent l’après interdiction, et notamment l’effet passerelle vers la cigarette ainsi que la prise en charge des jeunes déjà dépendants à la nicotine

*Bien que la saveur boisson gazeuse était déjà interdite avant le 31 octobre 2023 (comme les saveurs de confiserie, dessert, cannabis et et boisson énergisante), il semble que les jeunes aient pu continuer de s’en procurer.